La rentrée des classes vue par une maîtresse
Une semaine avant la rentrée des classes, les médias et distributeurs de fournitures scolaires s’agitent. Sans parler des parents qui sur leur serviette de plage, ont déjà placé cette rentrée 2019 au centre de leurs préoccupations : décorticage des circulaires adressées par l’établissement scolaire de leurs enfants, renouvellement des pass navigo ou autres cartes de transport, recherche d’une nounou, l’étudiante qui gère le sorties d’école ayant tardivement annoncé qu’elle prolongeait ses vacances jusqu’à fin septembre, inscription au cours de judo, achat d’un sac à dos, d’une trousse ou d’un agenda personnalisé pour donner à son heureux bénéficiaire du cœur à l’ouvrage… bref tout est fait pour préparer au mieux ce mois de septembre et faire en sorte que l’enfant aborde sereinement cette nouvelle année scolaire. Car la star de la rentrée c’est lui.
Mais qu’en est-il des instituteurs, institutrices et professeurs? Ils sont professionnels, aguerris, habitués.. c’est leur métier… ils sortent de deux mois de vacances, donc pourquoi les plaindre … pourrait-on se dire… à tort. La question est inappropriée selon moi, mais je ne vais pas ici disserter sur l’importance, la complexité, les difficultés de leur métier et leur très faible rémunération… non.. la vraie question est : pourquoi focalise-ton sur ces pauvres petites têtes blondes et n’accorde-t-on que si peu d’intérêt aux 880 000 enseignants s’apprêtent à accueillir nos enfants dans leur classe. Ce sont pourtant bien eux les acteurs majeures de cette rentrée et qui pourraient légitimement être en stress…
Pour corriger le tir, Amikado a recueilli le témoignage d’une institutrice de choc, pour mieux comprendre les enjeux de la rentrée côté face, côté enseignant.
Bonjour Marion, merci de nous faire part de ton témoignage en cette fin août. Pourrais tu brièvement te présenter s’il te plait?
« Bonjour François. Je m’appelle Marion, et suis institutrice depuis maintenant 10 ans dans une école primaire à Lille. J’ai déjà couvert différents niveaux, et suis pour la deuxième année en charge d’une classe de CP. Une classe merveilleuse et décisive pour les enfants qui vont y apprendre comme tu le sais la lecture et l’écriture. »
Oui j’imagine. N’est-ce pas une énorme responsabilité le CP justement? Si tu fait mal ton travail, l’enfant ne risque-t-il pas de le « payer » très longtemps ensuite?
« Enseigner et éduquer, sont en soit une très grande responsabilité. Car si l’enseignant ne se substitue bien entendu pas aux parents dans ce second domaine, enseignement et éducation vont quand même de paire. Quant à l’apprentissage de l’écriture et de la lecture, oui en effet c’est une étape fondamentale dans l’apprentissage. Une étape que 80% de mes élèves vont franchir naturellement pour ne pas dire facilement. Un enseignant motivé et compétent, une méthodologie et des outils adaptés, et des parents en soutien sont les ingrédients parfaits pour une appréhension et une compréhension réussies de la langue française.
Ce sont quelque part les 20% d’élèves restants qui m’intéressent le plus. Ces 20% vont connaitre plus de difficultés, chacun pour des raisons qui leur sont propres. Et mon rôle est de comprendre ces « obstacles », identifier leur nature, leur origine, et trouver les solutions adéquats, en mettant en place pour eux des méthodes, de supports adaptés qui leur permettra d’apprendre à leur rythme, tout en veillant à préserver un sentiment de plaisir dans la progression. Et en parallèle, faire le cas échéant appel à des intervenant extérieurs (orthophonistes, psychologues,…) pour les aider à solutionner ou au minimum gérer leurs difficultés, troubles ou autres dysfonctionnements perturbant leur scolarité. »
Mais du coup… une rentrée c’est tout sauf une routine pour toi?
« Tu as tout compris François. Une rentrée c’est à chaque fois un nouveau challenge. Et c’est le cas sois-en assuré pour tout enseignant passionné par son métier. Et il y en a beaucoup ! J’avoue ressentir chaque fin de grandes vacances un peu de stress. Car je sais que septembre va être « sport ». Apprendre à connaitre, ou,mieux, à cerner 28 petites têtes blondes en quelques semaines demandent une très forte mobilisation et concentration. Sachant que eux de leur côté découvrent un environnement tellement différent de celui de la grande section de maternelle… mais sont en même temps très fiers de grandir et d’arriver en CP.
Très vite je rentre dans le bain. Et réalise, si besoin en était, qu’en 10 ans mon amour pour ce métier n’as pas faibli. Un de mes premiers dossiers et de canaliser les 3 ou 4 (parfois plus) élèves les plus turbulents. Pas forcément de mauvais élèves mais des enfants qui ont un peu plus de mal à assimiler les règles de vie en communauté ou les règles de vie en école primaire. Car si je concentre tout au long de l’année mon énergie, il ne m’en restera plus suffisamment (et du temps non plus) pour les élèves qui en ont réellement besoin. Mon mari m’entend souvent râler sur eux les premiers jours.. puis plus rien.. et il comprend alors que ces petits turbulents ont été canalisés ! »
Avec douceur et fermeté comme tu sais si bien le faire j’imagine… Tu peux ensuite trouver ta vitesse de croisière…
« .. euu tu plaisantes? on ne trouve jamais sa vitesse de croisière… c’est ce qui rend le métier si intéressant. Une fois la classe attentive et bien au fait des règles de vie à respecter, une fois les repères en place, je peux entrer dans le vif du sujet. On n’attend en effet pas le retour des vacances de la Toussaint pour travailler . Et il est important d’assez vite identifier les élèves qui auront besoin d’un programme plus personnalisé… quitte à sortir de ce programme en cours d’année si il n’y a plus d’utilité à cela… »
Je t’interromps Marion… Combien as-tu d’élèves? Comment as-tu le temps de faire ça? Tu es aidée?
« J’ai 25 élèves, ce qui est « relativement » raisonnables. Ma « chance » est en CP de ne pas avoir beaucoup de copies à corriger le soir chez moi.. Et j’ai du coup du temps pour bien préparer mes cours du lendemain, de la semaine. La journée est minutée, et certaines tâches peuvent être accomplies par les « 80% » avec un minium d’autonomie, ce qui me laisse du temps pour les élèves rencontrant des difficultés. Il existe sur internet une foule d’informations, de témoignages, d’outils qui m’aident énormément dans la préparation de ce programme d’apprentissage personnalisé. Cette démarche est conjointement menée par l’autre institutrice de CP de mon école, avec laquelle je m’entends merveilleusement bien. Nous échangeons beaucoup, partageons nos expériences et nous soutenons dans cette démarche. Notre directrice est également à 100% à nos côtés. »
C’est top ! Et ça marche?
« Il est encore trop tôt pour pouvoir faire un bilan car cela a été mis en place en cours d’année. Mais oui, j’ai déjà pu voir chez certains de mes élèves une réelle progression. Rien que le fait pour certains de savoir qu’on leur laisse un peu plus de temps, que nous seulement on comprend leur difficulté, mais que l’on s’adapte, déclenche en eux un surplus d’énergie et de motivation qui leur fait déplacer des montagnes. J’attends maintenant avec impatience l’année qui s’annonce, car les 4 mois d’apprentissage de cette méthode l’an dernier vont me, nous (car comme je vous le disait ma collègue Marthe est également de la partie) permettre de corriger certaines choses, nous rendre d’avantage disponibles, et de diversifier encore d’avantage les approches selon les élèves. Nous allons également nous efforcer de mettre d’avantage les parents dans la boucle. »
Manon, je te remercie pour ce témoignage. Tes élèves (et leur parents) ont bien de la chance. Je te souhaite une très belle rentrée des classes !
J’espère que ce témoignage vous en dit d’avantage sur le quotidien d’une institutrice… qui dans sa classe… fait de grandes choses.
Et me donne envie de citer le Dalai Lama : « Si vous avez l’impression que vous êtes trop petit pour pouvoir changer quelque chose. Essayez donc de dormir avec un moustique… et vous verrez lequel des deux empêche l’autre de dormir. »
Et en fin d’année scolaire.. faites preuve de générosité en lui offrant un cadeau de fin d’année scolaire à la hauteur de son talent, de son implication et de son dévouement pour (bien) faire grandir vos enfants.